Approche historique de Renault

Publié le par Maelis

A la fin du XIXème, deux entreprises dominent le monde automobile : Panhard & Levassor ainsi que Peugeot. Elles ont investi de leurs argents et de leur temps pour créer des modèles performant et pratique. Toutefois ces structures touchent une clientèle proche socialement de leurs dirigeants. Des clients peu nombreux mais très exigeants. Un climat favorable pour le développement d’entreprises dés 1898 comme Darracq, De Dion-Bouton ou Renault. Ainsi en cette même année soixante constructeurs automobiles apparaissent sur le marché automobile. Renault lance sa première voiturette en 1898, et lors de sa première démonstration Louis Renaud vend douze modèles de son engin. Il dit de lui-même en 1932 : « tout jeune, par tempérament, je n’avais qu’un plaisir, je n’avais qu’une joie, celle de concevoir, de créer et de produire quelque chose. C’est la raison pour laquelle une de mes premières préoccupations a été d’édifier un petit atelier. »[1].


C’est à partir de ce moment que va débuter une grande histoire industrielle. Une entreprise qui a fondé sa croissance sur l’autarcie et la technique. Elle ne subit pas la crise de 1907 contrairement à ces concurrents grâce à la vente de ces taxis. Les dirigeants pour prévenir de la récession, diversifient leurs productions. Cependant l’entreprise ne voit pas l’intérêt d’ouvrir le marché comme Henry Ford à une clientèle moins fortunée. Il veut de plus devenir autonome et ne plus dépendre de ces fournisseurs. En 1912, on note la création de la Société anonyme pour l’Eclairage des Véhicules (S.E.V.) et la société anonyme des Huiles Renault en 1911. Pour s’intégrer dans le monde, l’entreprise créée des filiales de vente à Londres (1905), à New York (1906), à Berlin (1907), à Madrid (1907) et à Budapest (1913). Louis Renault introduit la notion du taylorisme dans ces usines, afin d’être plus productif. En 1913, son entreprise « enregistre le plus important chiffre d’affaire de la construction automobile française. Sa production est l’une des plus fortes derrière celle de Peugeot, redevenu premier constructeur. »[2]. Une telle renommée qui a permis lui d’être élu président de la Chambre Syndicale des Constructeurs automobiles la même année. « Depuis la défaite de 1871 face aux Prussiens puis l’annexion de l’Alsace-Lorraine par l’Allemagne, les Français parlent de revanche. »[3]. Une reconquête de territoire importante grâce au potentiel industriel et la main d’œuvre qualifiée que possède l’Alsace-Lorraine. Mais cela n’est qu’une des raisons pouvant justifier la guerre. La première guerre mondiale, prévue comme une guerre rapide surprend les dirigeants qui ne s’attendaient pas à des ennemis bien préparés. « On est bien loin des convictions passées, au point de reconnaître déjà qu’une victoire militaire ne dépend plus de la seule capacité à rassembler le plus grand nombre d’hommes sous ses drapeaux. Une victoire se construit autour de sa faculté à mettre ses usines et ses ateliers au service de l’armée. »[4]. A partir de ce moment que l’entreprise de Louis Renault va jouer un rôle important. En août 1914, Renault n’est pas inscrit sur le plan de mobilisation nationale. Cependant, l’évolution des conflits oblige les dirigeants à prendre en compte les grands industriels de France, surtout avec l’approche des allemands de Paris. La bataille de la Marne, débuté le 6 septembre va donner un autre regard au conflit car cette bataille devient une guerre de position. Pour conduire dans la Marne la 62E division, les taxis parisiens sont réquisitionnés, dont la plus part construit par Renault.

Les militaires se rendent compte de l’importance de l’automobile. L’état établi l’économie de guerre réclamant aux usines de se mettre au service de la guerre pour la fabrication d’armes et de munitions. « Sous l’impulsion de Louis Renault, le comité des Forges parvient à rassembler le potentiel de plusieurs entreprises –dont une dizaine de constructeurs automobiles [5]-, afin de répartir les fabrications d’obus. »[6]. Il arrive à imposer à l’armée un modèle d’obus, pièce « réalisée par décolletage et non par emboutissage »[7]. Il crée des liens politiques avec les ministres de la Guerre, de l’Armement, des militaires… et profite pour mieux étudier un marché qui s’ouvra à lui. En 1914, il renforce la place de la S.E.V. en récupérant les brevets de la filiale française Bosch. En 1916, il crée les Forges et les Aciéries de Firminy[8], près de Rouen. « Il s’engage en effet à acheter la production d’acier des quinze premiers mois de l’usine. Une façon indirecte de financer 40% de l’opération. »[9] . Mais cette dernière ne sera que fonctionnelle à la fin du conflit. Louis Renault décide d’en construire une autre à Saint-Michel-de-Maurienne, en Savoie, qui ne sera opérationnelle qu’en 1919. Cependant, il veut toujours diversifier ses productions : shrapnells, baïonnettes, fléchettes, fusils, canons….Cependant il retourne sur Billancourt pour s’occuper de sa production automobile et d’avion. Le 6 septembre 1918, Louis Renault est fait officier de la Légion d’Honneur. Il attend un marché plus propice afin d’aménager ces terrains pour installer un système de rentabilisation de construction. Mais Citroën s’installe sur le marché de l’automobile française en appliquant les méthodes américaines, notamment le fordisme. Une guerre du marché va s’opérer entre ces deux constructeurs qui veulent en permanence innover et construire rapidement. Lors de la seconde guerre mondiale, les dirigeants ne prennent pas en compte l’évolution sociale, les mouvements économiques et surtout la collaboration avec l’ennemi français, les Allemands. Louis Renault se fait arrêter et meurt pendant son incarcération. Les problèmes financiers de l’entreprise entraînent sa nationalisation en 1945. Mais la crise de 1984 du à l’augmentation du pétrole impliquant un ralentissement de la croissance mondiale. En 1996, Renault est privatisé, lui permettant d’entrée sur le marché européen et mondial.

 



[1] Louis Renault, au banquet organisé le 14 avril 1932 lors de son élévation à la dignité de Grand officier de la Légion d’honneur. Cité par Patrick Fridenson, Histoire des usines Renault, Naissance d’une grande entreprise. 1898-1939. Le Seuil, 1972, p.45

[2] Jean-Louis Loubet, 2000, p.17

[3] Jean-Louis Loubet, 2000, p.21

[4] Brasier, Chenard & Walker, Clément-Bayard, Delage, Delaunay-Belleville, De Dion-Bouton, de Dietrich, Panhord & Levassor, Renault et Unic

[5] Jean-Louis Loubet, 2000, p. 22

[6] Jean-Louis Loubet, 2000, p. 22

[7] Jean-Louis Loubet, 2000, p. 22

[8] Société anonyme des Aciéries de Grand-Couronne

[9] Patrick Fridenson, op. cit., p 104-105.

 

Publié dans Historique

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